mardi 12 avril 2016

Non perderti per niente al mondo...



Diego,
Rien ne ressemble à tes mains,  rien ne ressemble non plus à l’or vert de tes yeux. 
Tu remplis mon corps, jour après jour. Tu es le miroir de la nuit. La lumière violette de l’éclair. L’humidité de la Terre.  La béance de tes aisselles est mon refuge. Ma joie entière est de sentir la vie jaillir de ta source-fleur que la mienne garde pour remplir tous les chemins de mes nerfs qui t’appartiennent, tes yeux, épées vertes dans ma chair, onde entre nos mains. Toi seul dans l’espace empli de sons. Dans la lumière et dans l’ombre, t’appellera auxochrome, celui qui capte la couleur. Moi, chromophore, celle qui donne la couleur. Tu es toute la combinaison de ces chiffres. La vie. Mon désir : en comprendre la ligne, la forme, le mouvement. Tu remplis et je reçois. Ta parole occupe tout l’espace et atteint mes cellules, qui sont mes astres et retourne aux tiennes qui sont ma lumière.
Lettre de Frida Kahlo à Diego Rivera

































Ma nuit est comme un grand corps qui bat 
Il est trois heures trente du matin
Ma nuit est sans lune
Ma nuit a des grands yeux qui regardent fixement une lumière grise filtrer par les fenêtres
Ma nuit pleure et l'oreiller devient humide et froid
Ma nuit est longue et longue et longue et semble toujours s'étirer vers une fin incertaine  
























Ma nuit me précipite dans ton absence 
Je te cherche, je cherche ton corps immense à côté de moi, ton souffle, ton odeur
Ma nuit me répond : vide ; ma nuit me donne froid et solitude 
Je cherche un point de contact : ta peau Où est-tu ? Où est tu ?
Je me tourne dans tous les sens, l'oreiller humide, ma joue s'y colle, mes cheveux mouillés contre mes tempes 
Ce n'est pas possible que tu ne sois pas là 
























Ma tête erre, mes pensées vont, viennent et s'écrasent, mon corps ne peut pas comprendre    
Mon corps te voudrait
Mon corps, cet aléa mutilé, voudrait un moment s'oublier dans ta chaleur, mon corps appelle quelques heures de sérénité 
Ma nuit est un corps en serpillière 
Ma nuit sait que j'aimerais te regarder,chaque courbe de ton corps, reconnaître ton visage et le caresser 
Ma nuit m'étouffe du manque de toi
Ma nuit palpite d'amour, celui que j'essaie d'endiguer mais qui palpite dans la pénombre dans chacune de mes fibres.
























Ma nuit voudrait bien t'appeler mais elle n'a pas de voix
Elle voudrait t'appeler pourtant et te trouver et se serrer contre toi un moment et oublier ce temps qui massacre 
Mon corps ne peut pas comprendre 
Il a autant besoin de toi que moi, peut-être qu'après tout lui et moi ne formons qu'un 
Mon corps a besoin de toi, souvent tu m'as presque guérie
Ma nuit se creuse jusqu'à ne plus sentir la chair et le sentiment devient plus fort plus aigu, dénué de la substance matérielle  
Ma nuit me brûle d'amour
Il est quatre heures du matin 



Ma nuit m'épuise
Elle sait bien que tu me manques et toute son obscurité ne suffit pas pour cacher toute cette évidence 
Cette évidence brille comme une lame dans le noir
Ma nuit voudrait avoir des ailes qui voleraient jusqu'à toi t'envelopperaient  dans ton sommeil et te ramèneraient à moi 
Dans ton sommeil tu me sentirais près de toi et tes bras m'enlaceraient sans que tu te réveilles
Ma nuit ne porte pas conseil 
Ma nuit pense à toi, rêve éveillé
Ma nuit s'attriste et s'égare 
Ma nuit accentue ma solitude, toutes mes solitudes
Son silence n'entend que mes voix intérieures
Ma nuit est longue et longue et longue
























Ma nuit n'aurait peur que le jour apparaisse jamais plus mais à la fois ma nuit craint son apparition, parce-que le jour est un jour artificiel où chaque heure compte double et sans toi n'est plus vraiment vécue
Ma nuit se demande si mon jour ne ressemble pas à ma nuit  Ce qui expliquerait pourquoi je redoute le jour aussi 
Ma nuit a envie de m'habiller et de me pousser dehors pour aller chercher mon homme
Ma nuit sait ce que l'on  nomme folie,de tout ordre, sème-désordre, est interdit
Ma nuit se demande ce qui n'est pas interdit
Il n'est pas interdit de faire corps avec elle, elle le sait. Mais elle s'offusque de voir une chair faire corps avec elle au fil de la désespérance. Une chair n'est pas faite pour épouser le néant.
Ma nuit t'aime de toute sa profondeur, et de ma profondeur elle résonne aussi 
























Ma nuit se nourrit d'échos imaginaires. Elle, elle le peut, Moi j'échoue 
Ma nuit m'observe; Son regard est lisse et se coule dans chaque chose
Ma nuit voudrait que tu sois là pour se couler aussi en toi avec tendresse 
Ma nuit t'espère.mon corps t'attend
Ma nuit voudrait que tu reposes au creux de mon épaule et que je me repose au creux de la tienne 
Ma nuit voudrait être voyeur de ta jouissance et de la mienne, te voir et me voir trembler de plaisir 
Ma nuit voudrait avoir nos regards chargés de désir
Ma nuit voudrait tenir entre ses mains chaque spasme 
Ma nuit se ferait douce 

























Ma nuit gémit en silence sa solitude en souvenir de toi 
Ma nuit est longue et longue et longue 
Elle perd la tête mais ne peut éloigner ton image de moi, ne peut engloutir mon désir
Elle se meurt de ne pas te savoir là et me tue Ma nuit te cherche sans cesse
























Mon corps ne parvient pas a concevoir que quelques rues ou une quelconque géographie  nous séparent.
Mon corps devient fou de douleur de ne pouvoir reconnaître au milieu de la nuit ta silhouette ou ton ombre 
Mon corps voudrait t'embrasser dans ton sommeil
Mon corps voudrait en pleine nuit dormir et dans ces ténèbres être réveillé parce-que tu l'embrasserais 
Ma nuit ne connaît pas de rêve plus beau que celui-là
Ma nuit hurle et déchire ses voiles, ma nuit se cogne à son propre silence, mais ton corps reste introuvable. Tu me manques tant. Et tes mots. Et ta couleur.
Le jour va bientôt se lever
Frida Kahlo  à Diego Riveira le 12 septembre 1939 



























Frida Kaho (6 juillet 1907 – 13 juillet 1954), peintre et artiste mexicaine, a marqué l’art du XXème siècle par son œuvre originale et « surréaliste » bien qu’elle affirmait ne représenter que la réalité dans son travail. Son amour orageux avec son alter ego mexicain, Diego Rivera, aura laissé des traces épistolaires somptueuses, comme ces lettres où l’artiste, magicienne de l’amour fou, déclare une flamme si poétique.





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